Les maladies inflammatoires chroniques représentent aujourd’hui l’un des défis sanitaires majeurs du 21ème siècle, touchant près de 5 à 10% de la population mondiale. Ces pathologies complexes, caractérisées par une inflammation persistante et inappropriée, englobent un large spectre d’affections allant de la polyarthrite rhumatoïde aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, en passant par le lupus érythémateux disséminé. L’inflammation, mécanisme physiologique normalement protecteur, devient dans ces conditions un processus destructeur qui s’attaque aux propres tissus de l’organisme. Cette dérégulation du système immunitaire génère des cascades inflammatoires complexes impliquant cytokines, cellules dendritiques et médiateurs biochimiques, conduisant à des lésions tissulaires irréversibles et à un impact considérable sur la qualité de vie des patients.
Mécanismes physiopathologiques des processus inflammatoires chroniques
Les maladies inflammatoires chroniques résultent d’une rupture de l’homéostasie immunitaire, où les mécanismes de régulation naturelle de l’inflammation deviennent défaillants. Cette dysrégulation implique une interaction complexe entre facteurs génétiques de susceptibilité, déclencheurs environnementaux et dysfonctionnements du système immunitaire adaptatif et inné. Le processus inflammatoire chronique se distingue de l’inflammation aiguë par sa persistance dans le temps, son caractère auto-entretenu et sa tendance à générer des dommages tissulaires progressifs plutôt que la résolution et la réparation.
Cascade des cytokines pro-inflammatoires IL-1β, TNF-α et IL-6
Les cytokines pro-inflammatoires constituent le cœur des mécanismes pathogéniques des maladies inflammatoires chroniques. L’interleukine-1 bêta (IL-1β) agit comme un puissant activateur de la réponse inflammatoire, stimulant la production d’autres médiateurs inflammatoires et induisant la fièvre, la douleur et la vasodilatation locale. Le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α) joue un rôle central dans l’initiation et la perpétuation de l’inflammation, activant les cellules endothéliales, favorisant l’angiogenèse pathologique et stimulant la production de métalloprotéases matricielles responsables de la destruction tissulaire.
L’interleukine-6 (IL-6) présente un profil d’action particulièrement complexe, agissant à la fois comme médiateur pro-inflammatoire et anti-inflammatoire selon le contexte tissulaire. Dans les maladies inflammatoires chroniques, l’IL-6 contribue à la production de protéines de phase aiguë par le foie, notamment la protéine C-réactive (CRP), et stimule la différenciation des lymphocytes T helper 17, population cellulaire fortement impliquée dans les processus auto-immuns. Cette triade cytokinique IL-1β/TNF-α/IL-6 crée un environnement inflammatoire auto-entretenu, où chaque médiateur amplifie la production des autres, générant un cercle vicieux pathologique.
Activation des cellules dendritiques et présentation antigénique
Les cellules dendritiques occupent une position stratégique dans l’initiation des réponses inflammatoires chroniques en tant que cellules présentatrices d’antigènes professionnelles. Dans le contexte des maladies auto-immunes, ces cellules subissent une activation anormale, présentant des auto-antigènes aux lymphocytes T naïfs et déclenchant ainsi des réponses immunitaires dirigées contre les tissus propres de l’organisme. Cette présentation antigénique aberrante s’accompagne d’une surproduction de signaux de co-stimulation et de cytokines polarisantes qui orientent la différenciation des lymphocytes T vers des phénotypes pro-inflammatoires.
L’activation chronique des cellules dendritiques maintient un état d’alerte immunitaire permanent, contribuant à la rupture de la tolérance périphérique et à la génération de lymphocytes T et B autoréactifs. Ces cellules dendritiques activées migrent vers les organes lymphoïdes secondaires où elles initient des réponses immunitaires adaptatives aberrantes, créant ainsi des foyers d’inflammation ectopiques dans les tissus cibles des maladies auto-immunes.
Dysrégulation du système du complément et formation des complexes immuns
Le système du complément, composante essentielle de l’immunité innée, subit des dysrégulations majeures dans les maladies inflammatoires chroniques. L’activation excessive des voies classique, alterne et des lectines génère une production incontrôlée de facteurs du complément, notamment C3a, C5a et le complexe d’attaque membranaire C5b-9. Ces produits d’activation exercent des effets pro-inflammatoires puissants, stimulant la dégranulation des mastocytes, l’activation des neutrophiles et l’augmentation de la perméabilité vasculaire.
La formation de complexes immuns circulants et leur dépôt dans les tissus constituent un mécanisme pathogénique central dans plusieurs maladies inflammatoires chroniques. Ces complexes antigène-anticorps activent le complément par la voie classique et génèrent des lésions tissulaires par dépôt dans les capillaires, les glomérules rénaux et les articulations. L’élimination déficiente de ces complexes immuns, souvent associée à des déficits en facteurs précoces du complément, entretient l’inflammation chronique et favorise l’accumulation progressive des lésions organiques.
Stress oxydatif mitochondrial et production excessive de ROS
Le stress oxydatif représente une composante fondamentale des mécanismes lésionnels dans les maladies inflammatoires chroniques. L’activation soutenue des cellules inflammatoires, notamment les neutrophiles et les macrophages, génère une production massive d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et d’espèces réactives de l’azote. Cette surproduction oxydative dépasse les capacités antioxydantes cellulaires, créant un déséquilibre qui favorise l’oxydation des lipides membranaires, des protéines et de l’ADN.
Au niveau mitochondrial, l’inflammation chronique perturbe la chaîne respiratoire et augmente la fuite d’électrons, générant des radicaux libres qui endommagent l’ADN mitochondrial et altèrent la bioénergétique cellulaire. Cette dysfonction mitochondriale crée un cercle vicieux où la production énergétique diminuée limite les capacités de réparation cellulaire, tandis que l’augmentation du stress oxydatif amplifie les signaux inflammatoires. Cette interconnexion entre inflammation, stress oxydatif et dysfonction mitochondriale explique en partie la fatigue chronique observée chez les patients atteints de maladies inflammatoires.
Polyarthrite rhumatoïde : destruction articulaire et synovite chronique
La polyarthrite rhumatoïde constitue le prototype des rhumatismes inflammatoires chroniques, affectant approximativement 0,5 à 1% de la population mondiale avec une prédominance féminine marquée. Cette maladie auto-immune se caractérise par une inflammation chronique de la membrane synoviale articulaire, évoluant vers la destruction progressive du cartilage et de l’os sous-chondral. La pathogenèse implique une perte de tolérance immune vis-à-vis d’antigènes articulaires, notamment les protéines citrullinées, générant une réponse auto-immune chronique responsable de l’hyperplasie synoviale et de la formation d’un tissu granulomatoire invasif appelé pannus rhumatoïde.
L’évolution destructive de la polyarthrite rhumatoïde est largement irréversible, d’où l’importance cruciale d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge thérapeutique agressive dans les premiers mois suivant l’apparition des symptômes.
Érosions osseuses radiographiques et score de sharp modifié
L’évaluation radiographique demeure l’outil de référence pour objectiver les lésions structurales dans la polyarthrite rhumatoïde. Le score de Sharp modifié quantifie précisément les érosions osseuses et le pincement articulaire sur des radiographies standardisées des mains, poignets et pieds. Ce système de cotation évalue séparément les érosions (score sur 280 points) et le pincement de l’interligne articulaire (score sur 168 points), fournissant un score composite maximal de 448 points reflétant l’ampleur des destructions ostéo-articulaires.
Les érosions osseuses apparaissent préférentiellement aux zones d’insertions capsulaires, où le tissu synovial enflammé entre en contact direct avec l’os cortical dépourvu de protection cartilagineuse. Cette localisation spécifique explique la prédilection des érosions pour les têtes métacarpiennes, les processus styloïdes et les berges articulaires des os du carpe. La progression radiographique suit généralement une cinétique linéaire, avec une accélération durant les deux premières années d’évolution, soulignant l’importance de la fenêtre thérapeutique précoce.
Hyperplasie synoviale et néoangiogenèse pathologique
La membrane synoviale normale, structure fine de quelques couches cellulaires, subit dans la polyarthrite rhumatoïde une transformation hyperplasique majeure atteignant parfois 10 à 20 couches cellulaires d’épaisseur. Cette hyperplasie résulte de la prolifération des synoviocytes de type B (fibroblast-like synoviocytes) et de l’infiltration massive par des cellules inflammatoires, notamment des macrophages, des lymphocytes T CD4+ et des plasmocytes producteurs d’auto-anticorps.
La néoangiogenèse pathologique accompagne invariablement l’hyperplasie synoviale, stimulée par la production de facteurs angiogéniques comme le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) et l’angiopoïétine-1. Ces nouveaux vaisseaux, caractérisés par une perméabilité accrue et une architecture désorganisée, facilitent le recrutement cellulaire inflammatoire et l’apport de nutriments nécessaires au maintien du pannus synovial. La densité microvasculaire synoviale corrèle directement avec l’activité inflammatoire et constitue un marqueur pronostique de progression structurale.
Biomarqueurs CCP et facteur rhumatoïde dans le diagnostic précoce
Les anticorps anti-peptides citrullinés cycliques (anti-CCP) représentent une avancée diagnostique majeure dans la polyarthrite rhumatoïde, présentant une spécificité supérieure à 95% comparativement aux 70% du facteur rhumatoïde traditionnel. Ces auto-anticorps dirigés contre des résidus arginine post-traductionnellement modifiés en citrulline par l’enzyme peptidylarginine désiminase (PAD) constituent des marqueurs précoces de la maladie, souvent détectables plusieurs années avant l’apparition des manifestations cliniques.
Le facteur rhumatoïde, auto-anticorps dirigé contre la portion Fc des immunoglobulines G, conserve sa pertinence diagnostique malgré sa moindre spécificité. La présence conjointe d’anti-CCP et de facteur rhumatoïde définit une polyarthrite rhumatoïde séropositive associée à un pronostic plus sévère, une évolution plus rapidement destructive et une moindre réponse aux traitements conventionnels. Ces marqueurs biologiques intègrent désormais les critères classificatoires internationaux et orientent les décisions thérapeutiques vers des approches plus intensives.
Maladie de crohn et rectocolite hémorragique : inflammation intestinale
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) englobent principalement la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, affections distinctes partageant néanmoins des mécanismes physiopathologiques communs. Ces pathologies résultent d’une réponse immunitaire inadaptée dirigée contre la flore intestinale commensale chez des individus génétiquement prédisposés. L’incidence de ces maladies ne cesse de croître dans les pays industrialisés, atteignant désormais 4 à 5 cas pour 100 000 habitants par an, avec un pic de diagnostic entre 20 et 40 ans. Cette épidémiologie suggère l’implication de facteurs environnementaux liés au mode de vie occidental.
Dysbiose du microbiote et perméabilité de la barrière intestinale
Le microbiote intestinal, écosystème complexe abritant plus de 1000 espèces bactériennes, subit des modifications qualitatives et quantitatives profondes dans les MICI. Cette dysbiose se caractérise par une diminution de la diversité microbienne, une réduction des bactéries commensales protectrices comme les Bifidobacterium et Lactobacillus, et une expansion de bactéries potentiellement pathogènes appartenant aux Enterobacteriaceae. Ces modifications altèrent la production de métabolites bénéfiques comme les acides gras à chaîne courte, notamment le butyrate, nutriment essentiel des colonocytes.
L’altération de la barrière épithéliale intestinale constitue un mécanisme physiopathologique central dans les MICI. Cette barrière, normalement étanche grâce aux jonctions serrées entre entérocytes, devient perméable sous l’influence des cytokines inflammatoires, particulièrement le TNF-α et l’interféron-γ. Cette hyperperméabilité facilite la translocation bactérienne et l’exposition du système immunitaire sous-muqueux aux antigènes luminaux, entretenant ainsi l’inflammation chronique. La mesure de la perméabilité intestinale par des tests au lactulose-mannitol révèle des anomalies précoces, parfois détectables chez les apparentés asymptomatiques de patients atteints de MICI.
Infiltration leucocytaire transmurales et granulomes épithélioïdes
L’inflammation dans la maladie de Crohn présente un caractère transmural, affectant toutes les couches de la paroi intestinale depuis la muqueuse jusqu’à la séreuse. Cette extension en profondeur contraste avec la rectocolite hémorragique où l’inflammation reste limitée à la muqueuse et sous-muqueuse. L’infiltrat inflammatoire cronico-actif se compose de lymphocytes T activés, principalement de phénotype Th1 et Th17,
de macrophages activés et de cellules dendritiques. Cette infiltration s’organise fréquemment en structures granulomateuses caractéristiques, véritables signatures histopathologiques de la maladie de Crohn.
Les granulomes épithélioïdes, présents dans 50 à 70% des cas de maladie de Crohn, constituent des agrégats organisés de macrophages transformés en cellules épithélioïdes, souvent centrés par des cellules géantes multinucléées de type Langhans. Ces formations granulomateuses, dépourvues de nécrose caséeuse contrairement à la tuberculose, reflètent une réponse immunitaire chronique dirigée contre des antigènes persistants. Leur présence témoigne d’une activation soutenue des macrophages par l’interféron-γ produit par les lymphocytes Th1, créant un microenvironnement pro-inflammatoire auto-entretenu qui favorise la fibrose et les complications sténotiques.
Calprotectine fécale et marqueurs inflammatoires CRP
La calprotectine fécale s’impose comme un biomarqueur non invasif incontournable dans le diagnostic et le suivi des MICI. Cette protéine cytoplasmique, principalement présente dans les neutrophiles, reflète fidèlement l’infiltration leucocytaire de la muqueuse intestinale. Ses taux, normalement inférieurs à 50 μg/g de selles, peuvent atteindre plusieurs milliers chez les patients en poussée inflammatoire. Cette élévation précède souvent les manifestations cliniques, permettant une détection précoce des rechutes et un ajustement thérapeutique anticipé.
La protéine C-réactive (CRP), marqueur systémique de l’inflammation, présente une corrélation variable avec l’activité des MICI. Si elle s’élève fréquemment dans la maladie de Crohn, particulièrement lors d’atteintes iléales ou de complications septiques, elle reste souvent normale dans la rectocolite hémorragique limitée au côlon distal. Cette différence s’explique par la localisation anatomique de l’inflammation et l’intensité de la réponse hépatique aux cytokines pro-inflammatoires. L’association calprotectine fécale-CRP fournit une évaluation complète de l’inflammation locale et systémique, guidant les décisions thérapeutiques.
Complications sténotiques et fistulisation péri-anale
Les complications mécaniques représentent l’évolution naturelle redoutée de la maladie de Crohn, conséquences directes de l’inflammation transmurale chronique. Les sténoses intestinales, présentes chez 30 à 40% des patients après 10 ans d’évolution, résultent de l’alternance entre phases inflammatoires aiguës et processus cicatriciels fibreux. Cette fibrose excessive, médiée par les facteurs de croissance comme le TGF-β et le PDGF, remplace progressivement l’architecture normale de la paroi intestinale, créant des rétrécissements luminaux responsables d’épisodes occlusifs récurrents.
La maladie péri-anale complique l’évolution de 35 à 50% des patients atteints de maladie de Crohn, particulièrement en cas d’atteinte colique ou rectale. Cette complication se manifeste par la formation de fistules complexes, d’abcès récidivants et de sténoses anales, créant un handicap fonctionnel majeur. La pathogenèse implique l’extension de l’inflammation depuis la muqueuse rectale vers les espaces péri-anaux, favorisée par la richesse en cryptes glandulaires de la région ano-rectale. Ces lésions nécessitent une approche multidisciplinaire combinant gastroentérologie, chirurgie et radiologie interventionnelle pour optimiser la prise en charge thérapeutique.
Lupus érythémateux disséminé : auto-immunité systémique
Le lupus érythémateux disséminé représente l’archétype des maladies auto-immunes systémiques, caractérisé par une perte de tolérance immune dirigée contre les composants nucléaires cellulaires. Cette pathologie complexe, touchant préférentiellement les femmes jeunes avec un ratio de 9:1, résulte de l’interaction entre facteurs génétiques de susceptibilité, notamment les allèles HLA-DR2 et HLA-DR3, et déclencheurs environnementaux incluant infections virales, exposition aux ultraviolets et certains médicaments. La diversité des auto-anticorps produits, dirigés contre l’ADN double brin, les histones et les antigènes nucléaires extractibles, explique le polymorphisme clinique et l’atteinte multi-systémique caractéristique de cette maladie.
La formation de complexes immuns circulants et leur dépôt tissulaire constituent le mécanisme lésionnel principal du lupus. Ces complexes antigène-anticorps activent le complément par la voie classique, générant des produits inflammatoires qui recrutent les cellules effectrices et amplifient les lésions tissulaires. L’élimination déficiente de ces complexes, souvent associée à des déficits en composants précoces du complément (C1q, C2, C4), favorise leur accumulation dans les capillaires glomérulaires, la peau et les articulations. Cette pathogenèse explique la prédilection du lupus pour les organes richement vascularisés et la corrélation entre taux de complexes immuns circulants et activité de la maladie.
Thérapies ciblées et immunomodulateurs dans les maladies inflammatoires
L’avènement des thérapies ciblées a révolutionné la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques, permettant une approche personnalisée basée sur la compréhension des mécanismes physiopathologiques spécifiques. Ces biothérapies, développées grâce aux progrès de l’immunologie moléculaire et de l’ingénierie génétique, ciblent sélectivement les médiateurs clés de l’inflammation chronique, offrant une efficacité supérieure aux immunosuppresseurs conventionnels tout en réduisant certains effets indésirables. L’ère de la médecine de précision en rhumatologie et gastroentérologie s’appuie désormais sur l’identification de biomarqueurs prédictifs de réponse thérapeutique, optimisant le rapport bénéfice-risque pour chaque patient.
Anti-tnf alpha : infliximab, adalimumab et étanercept
Les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha constituent la première génération de biothérapies ayant démontré leur efficacité dans les maladies inflammatoires chroniques. L’infliximab, anticorps monoclonal chimérique humain-murin, se lie spécifiquement au TNF-α soluble et membranaire, neutralisant son action pro-inflammatoire. Son administration intraveineuse selon un schéma d’induction puis d’entretien permet d’obtenir des rémissions cliniques et endoscopiques dans 60 à 70% des cas de maladie de Crohn réfractaire, avec une cicatrisation muqueuse documentée par vidéocapsule endoscopique.
L’adalimumab, anticorps monoclonal entièrement humanisé, présente l’avantage d’une administration sous-cutanée bi-hebdomadaire, améliorant l’observance thérapeutique et l’autonomie des patients. Son profil d’efficacité comparable à l’infliximab s’accompagne d’une immunogénicité réduite, limitant la formation d’anticorps neutralisants responsables d’échappements thérapeutiques secondaires. L’étanercept, protéine de fusion combinant les domaines de liaison du récepteur soluble du TNF-α, démontre une efficacité particulièrement marquée dans la polyarthrite rhumatoïde et les spondyloarthrites, avec un profil de tolérance favorable caractérisé par un moindre risque d’infections opportunistes.
Inhibiteurs des JAK kinases et voie de signalisation STAT
Les inhibiteurs des Janus kinases représentent une avancée thérapeutique majeure, ciblant les voies de signalisation intracellulaires communes à de nombreuses cytokines pro-inflammatoires. Le tofacitinib, premier inhibiteur oral des JAK1 et JAK3 approuvé dans la polyarthrite rhumatoïde, bloque la transduction du signal de multiples cytokines incluant l’IL-2, l’IL-4, l’IL-7, l’IL-15 et l’IL-21. Cette inhibition en aval interrompt la phosphorylation des protéines STAT (Signal Transducers and Activators of Transcription), modulateurs transcriptionnels essentiels de la réponse inflammatoire.
Le développement de JAK inhibiteurs sélectifs vise à améliorer le profil de tolérance en préservant certaines voies JAK essentielles aux fonctions physiologiques. L’upadacitinib, inhibiteur préférentiel de JAK1, et le filgotinib, hautement sélectif de JAK1, démontrent une efficacité thérapeutique comparable aux anti-TNF avec une réduction des effets indésirables hématologiques et infectieux. Ces molécules représentent une alternative thérapeutique précieuse pour les patients en échec ou intolérants aux biothérapies injectables, offrant la commodité d’une administration orale quotidienne.
Antagonistes des récepteurs IL-1 et IL-6 : anakinra et tocilizumab
L’anakinra, antagoniste recombinant du récepteur de l’interleukine-1, bloque compétitivement la liaison de l’IL-1α et de l’IL-1β à leur récepteur commun, interrompant ainsi la cascade inflammatoire médiée par cette cytokine pléiotrope. Son efficacité démontrée dans les maladies auto-inflammatoires héréditaires, notamment les syndromes périodiques associés à la cryopyrine, s’étend à certaines manifestations systémiques du lupus et aux arthrites microcristallines réfractaires. La demi-vie courte de cette molécule nécessite une administration quotidienne sous-cutanée mais permet une réversibilité rapide en cas d’effets indésirables.
Le tocilizumab, anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le récepteur de l’IL-6, neutralise les effets de cette cytokine pléiotrope impliquée dans la production de protéines de phase aiguë, l’activation des lymphocytes B et la différenciation des ostéoclastes. Son efficacité remarquable dans la polyarthrite rhumatoïde se traduit par une normalisation rapide des marqueurs inflammatoires biologiques et une inhibition significative de la progression radiographique structurale. L’administration mensuelle intraveineuse ou hebdomadaire sous-cutanée offre une flexibilité thérapeutique adaptée aux préférences et contraintes individuelles des patients.
Biothérapies émergentes et thérapie cellulaire CAR-T
L’horizon thérapeutique des maladies inflammatoires chroniques s’enrichit constamment de nouvelles approches innovantes. Les cellules CAR-T (Chimeric Antigen Receptor T cells), initialement développées en onco-hématologie, trouvent désormais des applications prometteuses dans l’auto-immunité. Ces lymphocytes T génétiquement modifiés pour exprimer des récepteurs chimériques spécifiques peuvent être dirigés contre les lymphocytes B autoréactifs via le CD19, offrant une dépletion sélective et potentiellement curative des clones pathogènes responsables de la production d’auto-anticorps.
Les thérapies géniques utilisant des vecteurs viraux pour délivrer des séquences codant pour des cytokines anti-inflammatoires comme l’IL-10 ou des inhibiteurs naturels comme l’IL-1Ra représentent une approche futuriste prometteuse. Ces stratégies visent à transformer les tissus inflammatoires en sources locales d’agents thérapeutiques, minimisant l’exposition systémique et optimisant l’efficacité thérapeutique. Parallèlement, les nanotechnologies permettent le développement de systèmes de délivrance ciblée, dirigeant spécifiquement les médicaments vers les sites inflammatoires et réduisant les effets indésirables systémiques.
Conséquences métaboliques et cardiovasculaires de l’inflammation chronique
L’inflammation chronique génère des répercussions systémiques majeures dépassant largement l’atteinte de l’organe cible, créant un état de dysrégulation métabolique et cardiovasculaire qui majore significativement la morbidité et la mortalité des patients. Cette dimension systémique transforme les maladies inflammatoires chroniques en véritables pathologies multi-systémiques nécessitant une approche holistique de prise en charge. Les cytokines pro-inflammatoires circulantes, notamment l’IL-6, le TNF-α et l’IL-1β, exercent des effets délétères sur le métabolisme glucidique, lipidique et la fonction cardiovasculaire, expliquant l’excès de risque cardiovasculaire observé dans ces pathologies.
L’insulino-résistance représente une complication métabolique précoce de l’inflammation chronique, médiée par l’action inhibitrice des cytokines pro-inflammatoires sur la voie de signalisation de l’insuline. Le TNF-α phosphoryle les résidus sérine de l’IRS-1 (Insulin Receptor Substrate-1), bloquant la transduction du signal insulinique et altérant la captation glucidique musculaire et adipocytaire. Cette dysrégulation métabolique favorise le développement d’un diabète de type 2 secondaire, observé chez 15 à 20% des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde active, avec des implications pronostiques majeures sur les complications cardiovasculaires à long terme.
L’athérosclérose accélérée constitue la complication cardiovasculaire la plus redoutable des maladies inflammatoires chroniques, responsable d’un sur-risque d’événements cardiovasculaires majeurs estimé entre 1,5 et 2 fois celui de la population générale. Cette athérogénèse accélérée résulte de l’action synergique de l’inflammation systémique et des dyslipidémies inflammatoires caractérisées par une élévation des triglycérides, une diminution du HDL-cholestérol et une augmentation des lipoprotéines athérogènes denses et oxydées. Les cellules endothéliales, cibles directes des cytokines inflammatoires, subissent un dysfonctionnement précoce avec altération de la vasodilatation dépendante de l’endothélium et augmentation de la perméabilité vasculaire, créant un terrain propice au développement de plaques d’athérome instables.